Literatura


La Princese de Clèves; Madame de Lafayette


EXPOSE SUR LA PRINCESSE DE CLEVES DE MME DE LAFAYETTE

 

 

INTRODUCTION :

 

La Princesse de Clèves est roman d'analyse publié en 1678 sans nom d'auteur. Il a commencé à être écrit en 1672 et c'est en 1677 que Madame de Lafayette s'y consacra complètement, avec l'aide de La Rochefoucault.

Pour mieux comprendre ce texte, il faut le replacer dans son contexte. Ce passage intervient dans le tome premier du livre, après l'exposition qui est un tableau de la cour fastueuse d'Henri II.

Une jeune fille sévèrement élevée par sa mère, Mlle de Chartres, l'une des plus grandes héritières du royaume, épouse sans l'aimer, mais avec le ferme dessein de lui être fidèle, un homme qu'elle estime : M. de Clèves qui, dès le premier abord, avait conçu pour elle un amour extraordinaire.

Peu de temps près ce mariage de raison, elle rencontre, au cours d'un bal donné par la Reine, un jeune gentilhomme entre tous séduisant, M. de Nemours.

Comment ce passage relaté par un narrateur a priori neutre, qui ne nous montre que des rapports en apparence assez lâches entre des personnages différents et qui incite le lecteur à voir l'action qui se déroule comme immorale peut-il tout de même constituer un élément fondamental du récit ?

 

I. Le point de vue

 

* Un narrateur a priori neutre :

 

Le narrateur semble en effet neutre malgré la présence de verbes porteurs d'axes évaluatifs mélioratifs (“admirer”), nonobstant des adjectifs qualificatifs flatteurs (“agréable”, l'air brillant”) et enfin en dépit du reflet évident de l' “admiration”, de la “beauté” qui sont les sources de “louanges”.

Si l'on peut tout de même penser que le narrateur est neutre, c'est parce que toute cette beauté et toute la luxure est décrite à travers les yeux de celle qui est la conscience centrale du roman, Madame de Clèves, ou bien à travers les yeux des gens de la cour qui assiste au bal.

Cet effacement du narrateur par rapport à un quelconque jugement sur les personnages décrits est aussi mis en valeur par l'utilisation d'un vocabulaire simple et conventionnel avec des substantifs qui restent très généraux.

 

* Un narrateur qui incite le lecteur au jugement :

 

Si le narrateur ne semble pas prendre lui-même part au jugement qui est porté sur les personnages qu'il décrit, il invite implicitement le lecteur à les juger et favorablement pour ce qui est des deux protagonistes.

En effet, d'une part le narrateur fait converser M. de Nemours et la Princesse de Clèves avec des personnages royaux, ce qui pousse le lecteur a avoir pour eux une certaine estime et d'autre part, leur première rencontre se déroule en même temps qu'un événement historique important, puisque c'est le bal de fiançailles de la fille du Roi, ce qui donne à leur drame personnel, une caution d'authenticité.

 

* Un narrateur omniscient et subjectif :

 

Si le narrateur semble neutre à première vue, il y a tout de même beaucoup d'indices qui recèle la trace de la subjectivité et de l'omniscience du narrateur qui a une parfaite connaissance des personnages, de leurs pensées et de l'intrigue.

Tout d'abord, la longueur des phrases et l'utilisation d'hyperboles (dans le premier paragraphe) trahit le lyrisme de la narratrice et son émerveillement face aux personnages et à la festivité royale.

Ensuite, l'emploi de la part de la narratrice de litotes laisse deviner l'échec de Mme de Clèves à cacher son émotion et son embarras à la vue de M. de Nemours.

De plus, la mise en relation de ces deux figures de style permet à la narratrice e mettre en relief la part de réalité de celle décrit.

Puis le passage du style indirect au style direct (du 3è au 4è §) permet à la narratrice de dévoiler au lecteur son omniscience et son point de vue illimité en montrant au grand jour la forte émotion et l'angoisse de son héroïne.

Enfin, la narratrice donne implicitement sa vision de l'amour en privant les personnages qu'elle décrit de leur volonté et de leur liberté d'action : “Il ne put s'empêcher de”, “Mais, de tout le soir, il ne put admirer que Mme de Clèves.” Ainsi, la passion naissante entre les deux protagonistes les prive de leur volonté, surtout pour M de Nemours et la narratrice donne une vision pessimiste de l'Amour comme un sentiment qui aliène les personnes qui le ressentent.

 

 

 

II. Rapports entre les personnages

 

Ce texte nous présente deux sortes de personnages : d'une part ceux qui ont une réalité historique, soit les personnages royaux (le Roi, les Reines et Mme la Dauphine), et d'autre part les personnages romanesques (Mme de Clèves, M. de Nemours et M. de Guise).

 

* Les personnages royaux :

Les personnages royaux semblent à première vue ne jouer qu'un rôle tout à fait secondaire mais ils ont tout de même un pouvoir certain sur les personnages romanesques de par leur rang social. En effet, le Roi et les reines sont tellement intrigués par le fait que Mme de Clèves et M. de Nemours dansent ensemble sans se connaître qu'ils se permettent de les interroger sans même “leur donner le loisir de parler à personne”. Ils semblent alors aux yeux du lecteur quelque peu despotiques mais cette considération toute particulière qu'ils portent au couple qui se forme permet aux deux protagonistes d'obtenir l'estime du lecteur.

 

Les personnages royaux ont un rôle secondaire en apparence et ils participent directement à l'action, ce sont eux-mêmes qui donnent naissance à la passion entre Mme de Clèves et M. de Nemours, du moins ce sont eux qui favorisent leur rencontre.

C'est Henri II qui joue ici un rôle fatal en “[criant] (à Mme de Clèves) de prendre celui qui arrivait” pour danser. C'est en effet lui qui déclenche l'engrenage tragique en concrétisant définitivement la rencontre entre les deux futurs amants.

 

C'est en réalité la Reine Dauphine qui semble jouer le rôle le plus important parce que c'est elle qui assure la transition entre les personnages royaux et les personnages romanesques.

Elle est la seule qui s'exprime dans le texte au style direct, dans une conversation qui touche Mme de Clèves au vif et qui la déstabilise, mais plus marquant encore, c'est elle qui donne à Mme de Clèves l'impatience de connaître M. de Nemours. La récurrence initiale et finale de sa présence montre à quel point elle aussi influence la rencontre entre M. de Nemours et Mme de Clèves.

 

* Les personnages romanesques :

Initialement ils sont au nombre de trois mais M. de Guise s'efface de l'action devant M. de Nemours, ce qui montre instantanément la supériorité du Duc de Nemours sur les autres personnages romanesques.

Cette supériorité est confirmée quand on son arrivée, les gens lui font place comme à un personnage royal. Mais elle n'est pas le seul attribut de M. de Nemours car le couple, lorsqu'il danse, attire tous les regards et semble alors être supérieur au reste des gens de la cour. La supériorité est alors dévoilée comme étant une qualité principale du nouveau couple mais elle semble aussi être une caractéristique qui leur vaut à tous deux quelques désagréments car elle est la source d'une grande surprise.

En effet, Mme de Clèves connaît M. de Nemours sans ne l'avoir jamais vu grâce aux descriptions louangeuses que lui en a fait Mme la Dauphine; ainsi, elle a l'image “de ce qu'il y avait de mieux fait et de plus agréable à la cour”. Quand elle le rencontre enfin cette vision semble être dépassée puisqu'elle est surprise.

Or être surpris signifie avant tout être frappé ou troublé, faute de préparation, d'imagination ce qui révèle que pour Mme de Clèves, le Duc de Nemours n'est plus seulement ce qu'il y avait de mieux fait et de plus agréable à la cour mais il est aussi ce qu'il y avait de mieux fait et de plus agréable en général. Sa beauté et sa perfection semblent dépasser son entendement.

Les deux protagonistes semblent avoir peur de s'affronter et de se parler directement.

Le seul dialogue entre eux qui est rapporté est rapporté au style narrativisé et à la fin du texte lorsque les personnages royaux leur proposent de savoir qui ils sont, ils ne s'adressent pas directement la parole mais c'est la Reine Dauphine qui a pour rôle d'être l'intermédiaire entre les deux protagonistes. Cette peur découle sans doute de la surprise qu'ils ont ressentie en se voyant parce qu'elle annonce qu'il va être difficile pour eux de maîtriser leur visage, leur comportement et leurs paroles à cause des sentiments qui naissent en eux.

Mais s'ils sont obligés de les cacher c'est à cause du regard des autres.

 

 

 

III La Thématique du regard

 

Le regard est le sens prédominant. Le verbe “voir” est répété 7 fois dans le texte sous ses différentes formes et le mot “yeux” revient deux fois.

 

* Le sens prédominant

Il est en effet le sens le plus important puisque c'est de lui que naît l'Amour entre les deux protagonistes; c'est en se voyant tous les deux pour la première fois qu'ils se retrouvent comme priver de leur liberté d'action : “M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté (...) qu'il ne put s'empêcher de...”, c'est par les yeux que l'on observe la beauté de quelqu'un.

Comme dans Phèdre, qui est paru un an avant La Princesse de Clèves, on retrouve alors ici la thématique de l'aveuglement de l'Amour, ce que la narratrice a dénoncé implicitement.

Mais c'est aussi en apercevant M. de Nemours que Mme de Clèves réalise qu'elle a face à elle un être qui semble être plus qu'un homme : “Elle(...) vit un homme (...) qui passait par-dessus quelques sièges”, cette phrase témoigne en effet d'une apparition spectrale qui flotte dans l'air.

 

Le regard est un élément qui s'ajoute aux autres pour permettre au lecteur de traiter avec déférence les deux personnages romanesques. En effet, le couple qui se forme attire tout les regards : “Lorsqu'elle arriva, l'on admira sa beauté et sa parure”, “Quand ils commencèrent à danser, il s'éleva dans la salle un murmure de louange”, “Le Roi et les Reines trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble”. Le fait que toute la cour regarde M. de Nemours et Mme de Clèves les rend supérieurs au reste des gens qui participent au bal.

 

* Le regard comme élément négatif

Mais c'est justement au sein de cette conception du regard que ce dernier prend un sens péjoratif. En effet, le fait que tous les yeux soient braqués sur le couple qui se forme montre la cour comme un huis-clos où nul n'est libre de ses actes et des ses déplacements, ce que confirme le despotisme des personnages royaux qui contrôle les mouvements des deux protagonistes.

Le couple ne semble pas pouvoir échapper au regard d'autrui.

 

C'est cet emprisonnement qui contraint les deux protagonistes à jouer une perpétuelle comédie à cause du regard des autres qui est toujours braqué sur eux. Le regard devient donc une contrainte qui interdit aux protagonistes de faire paraître leurs sentiments et qui suggère une constante maîtrise de soi. Le regard se révèle donc être un élément très néfaste puisqu'il pousse les protagonistes à cacher leurs sentiments, d'autant plus qu'ils se rencontrent le jour des fiançailles de Mme de Clèves, ce qui rend leur amour coupable.

 

Le regard participe aussi de la fatalité : “Elle cherchait des yeux quelqu'un qu'elle avait dessein de prendre” : cette phrase est très ambiguë puisqu'elle ne dévoile pas clairement que Mme de Clèves a l'intention de danser et elle devient ainsi un élément qui permet au lecteur de prévoir la rencontre désastreuse entre les deux protagonistes.

 

 

CONCLUSION :

 

Ce passage est la représentation d'une des multiples variantes de l'amour : la galanterie.

Le duc de Nemours apparaît pour la première fois à Mme de Clèves au milieu de l'oisiveté d'un bal, et par-là même l'amour apparaît lui aussi comme un divertissement, comme la danse, et aussi comme une prouesse individuelle qui s'enivre du regard collectif.

Le fait que cette rencontre intervienne durant une festivité royale importante n'est pas innocent.

Les fêtes semblent être des temps forts de la vie de cour et grâce à ces divertissements princiers, la cour semble vivre dans un théâtre permanent et cette scène du bal fait partie d'une succession de scènes théâtrales où le lecteur se conduit comme un spectateur (didascalie dans le dialogue).

Cette scène semble muette à première vue mais elle est d'une rare puissance psychologique parce qu'elle prévoit tous les désagréments auxquels les protagonistes vont devoir faire face et elle invite le lecteur à s'interroger sur la place des rapports humains sincères au milieu de ce faste royal.




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Enviado por:Felipe Muñoz
Idioma: francés
País: España

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